Le droit de vote, une longue histoire

L’idée que l’on put demander son avis au peuple n’est apparu que fort tard et encore avec pas mal d’hésitations.

1791

Le vote est indirect et il faut être fortuné pour voter.
En 1791 la monarchie constitutionnelle, mise en place par la constitution du 14 septembre 1971 décide que si la souveraineté appartient à la nation, le droit de vote, en revanche, doit être restreint. Le suffrage est dit censitaire : seuls les hommes de plus de 25 ans, et payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail, ont le droit de vote. On les appelle « citoyens actifs ». Les autres, trop pauvres sont appelés « citoyens passifs » et ne peuvent pas participer aux élections. De fait en ce temps-là, demander son avis à des gens incapables d’accéder à un certain standing apparaissait une aberration.

Mais pour plus de précaution le suffrage était indirect car les citoyens actifs élisaient des électeurs du second degré, disposant de revenus plus élevés, qui à leur tour élisaient les députés à l’Assemblée nationale législative.
Somme toute, si on n’était pas capable d’assurer la réussite de son propre sort, qu’allait-on donner son avis sur le sort du pays tout entier.

Il y eut bien une brève application du suffrage universel masculin pour élire la Convention de 1792 mais très vite le suffrage censitaire indirect est rétabli par le Directoire en 1795.

Il existe toujours des électeurs de premier et de second degrés.
Pour être électeur du premier degré, il faut payer des impôts ou avoir participé à une campagne militaire.

Les électeurs du second degré doivent être titulaires de revenus plus élevés, évalués entre 100 et 200 journées de travail. Pour être élu, il faut être âgé de 30 ans minimum pour siéger au Conseil des Cinq Cents et de 40 ans pour le Conseil des Anciens.

1799

Le vote est limité aux hommes et parmi eux aux plus aisés.

La constitution du 22 brumaire an VIII (13 décembre 1799) met en place le régime du Consulat.

Elle donne le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans. Les pauvres ont enfin le droit de voter, mais ce droit est limité par le système des listes de confiance. Il s’agit d’un scrutin à trois degrés :
- 1. Les électeurs désignent au suffrage universel un dixième d’entre eux pour figurer sur les listes de confiance communales.
- 2. Ces derniers choisissent encore un dixième d’entre eux pour l’établissement des listes départementales.
- 3. Ce sont ces derniers qui élisent encore un dixième d’entre eux pour former une liste nationale.
- 4. Puis les membres de cette liste nationale vont élire les membres des assemblées législatives, les tribuns et les consuls.

C’est un peu le système de l’homme qui vote pour l’homme qui vote pour l’homme, etc. Le peuple est donc très loin de désigner lui-même ses représentants.

1815

On rétablit le vote pour les seuls contribuables fortunés

Après la chute de l’Empire est mise en place la Restauration et une monarchie constitutionnelle.

Le suffrage universel masculin est aboli (trop démocratique !?) et le suffrage censitaire est rétabli.
Seuls les hommes de 30 ans payant un impôt direct de 300 francs ont le droit de vote.
Pour être élu, il faut avoir 40 ans et payer au moins 1000 francs d’impôts directs.
La loi électorale du 29 juin 1820 permet aux électeurs les plus imposés de voter deux fois !

Avec de telles mesures le résultat des élections manquait de surprise.
Pas étonnant dans ces conditions que le mouvement socialiste naissant ait privilégié l’insurrection armée plutôt que la victoire électorale.

Après la Révolution des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830), la Restauration est remplacée par la Monarchie de Juillet. Le droit de vote est élargi. Le suffrage reste censitaire, mais le cens nécessaire pour être électeur passe de 300 à 200 francs, et de 1000 à 500 francs pour être élu.

De plus l’âge minimum pour voter passe de 30 à 25 ans et celui pour être élu de 40 à 30 ans.

Et pour faire bonne mesure le droit de voter deux fois pour les plus riches est supprimé.

1848

Suffrage universel tous les hommes votent mais rien que les hommes.

En février 1848 un mouvement révolutionnaire éclate et met fin à la Monarchie de Juillet. Ce sera la Seconde République. Le suffrage universel masculin est adopté par décret le 5 mars 1848 il ne sera plus remis en cause. Sont électeurs tous les Français mâles âgés de 21 ans et jouissant de leurs droits civils et politiques. Le droit d’être élu est accordé à tout électeur de plus de 25 ans. Le vote devient secret.

1944

Enfin les femmes ont le droit de vote !

L’ordonnance du 21 avril 1944 donne aux femmes de plus de 21 ans le droit de vote et rend ainsi le droit de suffrage réellement universel. Les femmes votent pour la première fois aux élections municipales de mars 1945.

Pendant longtemps, le droit de vote avait été refusé aux femmes pour des raisons extrêmement misogynes, on prétendait avant cela que les femmes étaient faites pour être mères et bonnes épouses, ce qui ne serait pas compatible avec l’exercice du droit de vote ou d’un mandat politique !

Ne cachons pas non plus que de nombreux hommes de gauche redoutaient l’influence qu’aurait pu avoir l’église sur le vote des femmes et ne se sont pas pressés pour défendre cette mesure.

1974

Le droit de vote est accordé à partir de 18 ans.

Dernière modification en date : par une loi du 5 juillet 1974 c’est le Président Valéry Giscard d’Estaing qui accorde le droit de vote à 18 ans au lieu de 21 ans.

Mais cette histoire est-elle finie ?

À en croire le débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales rien n’est moins sûr.
Par ailleurs l’évolution de la jeunesse ne va t-elle pas un jour nous amener à considérer que 16 ans serait mieux que 18 ans ?

Jacques Aubert