18e congrès de l’Union départementale CGT du Val-de-Marne : intervention de Jacques Aubert

Villejuif les 5,6, et 7 octobre 2011

Chers Camarades,
Après le vernissage de l’exposition hier soir, je vous remercie de bien vouloir encore ce matin, consacrer un temps de ce congrès pour l’institut d’Histoire Sociale CGT du Val-de-Marne.

À un moment où le monde change, où il nous faut inventer de nouvelles formes de luttes, pourquoi évoquer notre histoire ?

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18e congrès de l’Union départementale CGT du Val-de-Marne : intervention de Denise Foucard


Tout au long de ce congrès vous avez exprimé l’urgence des luttes, l’urgence de mobiliser les travailleurs. Vous avez démontré la nocivité de ce régime capitaliste. Mais aussi vous avez évoqué les difficultés de la mobilisation dans un contexte marqué par les échéances électorales qui arrivent.
Alors voyez-vous, s’il est une leçon et une seule à retenir de l’Histoire, c’est que quel que soit le gouvernement, quelles que soient les intentions qu’il affiche, il n’est pas une revendication, pas une avancée sociale qui n’ait été le résultat d’une lutte. Rien n’a jamais été donné aux salariés qu’ils n’aient arraché eux-mêmes par l’action.
On évoque 1936, certes, il y avait un gouvernement de gauche mais il y avait surtout des centaines de milliers de grévistes.
On évoque le programme de CNR, certes, mais avant il avait eu la Résistance et la Libération.
Et 68 est là pour nous rappeler que même avec la droite au pouvoir, quand les travailleurs se mobilisent alors le pouvoir et le patronat reculent.
Et voyez-vous quand on fait de l’histoire à la CGT, c’est certes pour se rappeler les camarades qui hier ont sacrifié jusqu’à leur vie pour qu’aujourd’hui nous vivions décemment et il est important de leur rendre hommage (il faut se nourrir de leurs exemples, tirer les leçons des expériences passées) mais quand on fait de l’histoire à la CGT c’est avant tout pour que l’on n’oublie pas cette leçon simple : l’avenir meilleur, n’est pas écrit uniquement dans les discours ou les programmes politiques de tel ou tel, même si certains ou certaines nous plaisent plus que d’autres.
Non, l’avenir meilleur, il est ici en chacun d’entre nous, dans notre capacité à mobiliser les salariés à développer les luttes et à créer le rapport de forces sans lequel le patronat ne reculera jamais.

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18e congrès de l’Union départementale CGT du Val-de-Marne : intervention de Denise Foucard


Alors rappelons-nous que c’est cet objectif qu’hier dans des conditions certes différentes, mais souvent très difficiles, que des camarades ont su réaliser.
Dans les mois qui viennent nous allons avoir deux anniversaires de ces luttes et des sacrifices que certains ont su faire.
Il y a 70 ans, le 22 octobre 1941, 27 militants, des résistants, beaucoup sont des militants de la CGT, tous sont communistes, 27 militants allaient être fusillés par les allemands à Châteaubriant. Ils avaient été arrêtés quelques mois plus tôt quand la CGT avait été interdite.
Suite à l’exécution d’un officier SS par la Résistance, les Allemands avaient réclamé des otages. Ces 27-là seront choisis sur proposition du ministre français de l’Intérieur.
Leur crime ? Ils avaient refusé la politique réactionnaire du Gouvernement du maréchal Pétain qui, tout en remettant en cause les acquis de 36, livrait la France aux armées nazies ; devant l’occupant ils avaient choisi la Résistance.
Alors je ne les citerai pas tous, il faudrait le faire mais cela nous prendrait trop de temps, mais parmi eux il y avait :
- Charles Michels, secrétaire de la Fédération des cuirs et peaux ;
- Jules Vercruysse, secrétaire de la fédération du textile ;
- Désiré Granet, de Vitry, secrétaire de la fédération des papiers cartons ;
- Jean-Pierre Timbaud, secrétaire du syndicat des métaux de la région parisienne ;
- Jean Grandel, secrétaire de la fédération postale ;
- Jean Poulmarch, secrétaire du syndicat des produits chimique de la Région parisienne ;
- Henri Pourchasse d’Ivry.

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Guy Môquet


Et parmi eux il y avait Guy Môquet, fils d’un député communiste, arrêté pour avoir distribué des tracts. Il avait 17 ans. C’est tôt pour mourir 17 ans !
Rappelons-nous encore, c’était Il y a 50 ans, le 8 février 62, et certains d’entre nous y étaient. À l’appel de la CGT, de la CFTC, de la FEN, du SGEN de l’UNEF, du PC, du PSU et du Mouvement de la Paix, c’est plusieurs milliers de personnes qui sont rassemblées dans Paris, malgré que la préfecture de police ait interdit la manifestation. Sur les quelques pancartes on peut lire :
« OAS assassins » et « Paix en Algérie »
À 18 h 30, heure du rendez-vous, la place de la Bastille est inaccessible, bloquée par la police. Plusieurs cortèges se forment. Il y a là André Tollet pour la CGT et Claude Bouret pour la CFTC, à la tête d’un cortège qui vient de la Gare de Lyon.
Ils sont bientôt rejoints par un autre cortège arrivant de République, puis un autre arrivant de la place de la Nation. Et tous se retrouvent sur le boulevard Voltaire.
Il est 19 h 30 quand André Tollet annonce la fin de la manifestation et la dispersion dans le calme. C’est à ce moment que la police va charger. Le métro Charonne est tout proche, les manifestants s’y engouffrent. Mais le préfet de police, rappelez-vous c’était le sinistre Papon, déjà là en 40, ce préfet a fait fermer la station. Les manifestants s’écrasent contre les grilles, pris au piège dans les escaliers. Et la police charge avec une rare brutalité.
Il y aura 9 morts, tous militants de la CGT. Parmi eux Suzanne Martorel une militante du Val-de-Marne et Daniel Féry. Il a 15 ans Daniel, c’est tôt pour mourir 15 ans.

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Enterrement de Daniel Féry


À y regarder de près ces deux événements que 20 ans séparent ont des points communs.
En premier lieu, c’est que quand elle est acculée la bourgeoisie ne recule devant aucune barbarie pour défendre ses intérêts, l’exemple des infirmières de l’hôpital de Saint-Étienne que nous évoquions ce matin en est une illustration.
En second lieu, vous l’avez dit au cours des débats, ce que le patronat veut casser, ce sont les acquis du CNR. Ce que le capitalisme cherche c’est à opposer les peuples entre eux.

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Daniel Féry, 16 ans, tué le 8 février 1962.


Ce qui nous menace aujourd’hui c’est avec le recul des conquêtes sociales, le recul de la démocratie et la montée de l’extrême droite.
Châteaubriant et Charonne sont deux moments où la CGT a construit ce qui allait devenir la Résistance et le programme du CNR et où la CGT s’est résolument placée pour l’indépendance des peuples contre le racisme et pour la démocratie, où la CGT et les travailleurs ont fait la démonstration que c’était eux les porteurs de l’intérêt national et des idéaux démocratiques.
Et en dernier lieu l’autre point commun de Charonne et de Châteaubriant, c’est la place qu’a pris la jeunesse dans ces événements. La camarade qui présentait le rapport hier sur la vie syndicale a insisté sur ce point, et de nombreux camarades ont évoqué cette question, je n’y reviens pas mais pour la CGT, la priorité c’est de se tourner résolument vers la jeunesse.
C’est aujourd’hui principalement la jeunesse qui connaît le chômage, la précarité. C’est la jeunesse qui est victime de l’abandon de l’école publique.
Plus que d’autres ils sont la cible de la propagande de la droite qui voudrait leur faire croire qu’ils devraient s’habituer à vivre moins bien que les générations qui les ont précédées.
_Alors disons le très fort : c’est une illusion de penser que les salariés d’hier auraient vécu dans un âge d’or. Les luttes incessantes de 45 à nos jours en témoignent et s’il y a eu des avancées dans ces années-là, on les doit principalement aux luttes des travailleurs.
Et disons-le encore plus fort, aujourd’hui ce n’est pas la qualité de la vie qui baisse mais ce sont les profits qui montent. Ce qui est en cause ce n’est pas moins de richesse pour tous mais c’est le partage de cette richesse et la confiscation de cette richesse par une minorité.
Voilà camarades, ce que nous apprend l’histoire. Voilà ce que nous apprennent Guy Môquet et Daniel Féry. C’est que la jeunesse est toujours prête à rentrer dans l’action, qu’elle a soif de comprendre, qu’elle a soif d’engagement. C’est à nous qu’il appartient d’aller vers elle.
Pour toutes ces raisons l’UD prendra sûrement, cet hiver, une initiative pour commémorer cette manifestation de Charonne.
Mais dans l’immédiat le dimanche 23 octobre aura lieu la cérémonie du souvenir dans la clairière de Châteaubriant, là où furent fusillés nos 27 camarades.
Et cette année, cette manifestation aura lieu en présence de Bernard Thibaut et en mettant à l’honneur l’engagement de la jeunesse.
L’UD du Val-de-Marne a décidé d’être présente. Les années précédentes nous remplissions un car, cette année deux sont déjà prévus et on peut aller plus loin.
En ce 70e anniversaire des fusillés de Châteaubriant, la CGT doit démontrer que comme hier, elle est en mesure de résister à l’offensive du capital et que comme hier l’espoir naîtra de la mobilisation du peuple pour construire un avenir meilleur. Ce message est important, il doit imposer nos revendications et l’intérêt des salariés, dans le débat préélectoral. Et plus nous serons à cette manifestation et plus ce message portera loin.

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18e congrès de l’Union départementale CGT du Val-de-Marne : intervention de Denise Foucard

Voilà camarades si ce n’est déjà fait inscrivez-vous pour cette initiative de l’UD.
Mais plus encore essayons d’y faire venir des jeunes. Si nous réussissons cela, alors l’exemple de Guy Môquet, de Daniel Ferry, et de tant d’autres n’aura pas été inutile.

Je vous remercie.

Jacques Aubert