Éditorial

À propos de la République

Nous avons tous entendu les paroles de Sarkozy lors de son discours de Toulon :

« Frauder la sécurité sociale, c’est voler. Ce n’est pas simplement abuser du système, ce n’est pas simplement profiter des ses largesses, c’est voler chacun et chacune d’ entre nous. »

On a assez dit ce qu’il y avait de mensonger mais surtout d’ignoble dans cette attaque contre les plus pauvres, je n’y reviendrai pas.
Je voudrais juste attirer votre attention sur deux mots de cette phrase, « profiter » et « largesse ».
Ainsi formulé, il ressort que les bénéficiaires des services sociaux seraient des « profiteurs » et ce que distribuent ces services constituerait des « largesses ».
Le terme « largesse » nous renvoit à la notion de charité, cette piécette que le riche jette au malheureux parce que le riche lui, il a bon cœur. « Profiteur » indique bien que celui qui reçoit la piécette ne la mérite peut-être pas et qu’il pourrait trouver d’autres moyens pour gagner sa vie que de tendre la main.
Nous sommes là au cœur de l’idéologie réactionnaire qui veut que le monde bourgeois soit bien fait, que chacun peut y trouver sa place et que ceux qui ne la trouvent pas sont seuls responsables de leur échec.
Pourtant, dès son avènement, la République a toujours défendu une autre conception.
Dans le texte constitutionnel adopté par la Convention en 1793, il est écrit :
« La société doit subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler »

Puis en 1848 le préambule de la constitution de la IIe République réaffirme :

« La République doit par une assistance fraternelle, assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant un travail, dans la limite de ses ressources, soit en donnant à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler. »

Et le préambule de la constitution de 1946, après avoir affirmé que
« chacun a le droit de travailler et le droit d’obtenir un emploi »
précise «  Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. ».

Donc cette notion d’assistance est tout sauf une « largesse » faite à des « profiteurs » ; c’est un droit fondamental par lequel la République admet que le monde n’est pas parfait et que la fonction de la République c’est de l’améliorer et qu’ en attendant d’y parvenir son devoir est de venir en aide à ceux qui sont victimes de ces dysfonctionnements.
Jaurès l’a dit mieux que je ne le saurais-faire quand il écrit
« La République sera sociale ou ne sera pas ».

On est donc en droit de s’interroger avec l’attaque contre tous les acquis sociaux : est-ce que la crise du système capitaliste poussé à son terme ne porte pas en germe la remise en cause de la République, les libertés démocratiques qui l’accompagnent et toute idée de progrès social ?

Jacques Aubert