Gaulois, curés, sans-culottes, communards, résistants, immigrés...

Tous unis !

Notre Président a le souci de l’unité
nationale !

Il n’aime pas qu’on oppose les pauvres et les
riches. Car franchement, quelle différence y a-til
entre un français qui ne paie pas d’impôts
parce qu’il bénéficie du bouclier
fiscal et un français qui n’en paye
pas non plus parce qu’il est
pauvre ? Aucune ! Pas un centime
ne les sépare.

En revanche entre un salarié
contribuable, prénommé Jean et un
autre salarié, contribuable également
mais prénommé Ali, on pourrait
croire à première vue que rien
ne les différencie, mais c’est une
grossière erreur. Regardez leurs
prénoms : il y a fort à parier que
l’un, Jean, a des parents français,
alors que pour Ali on peut en
douter ; et l’origine, ça c’est une
vraie différence, autrement importante
que la fortune, qui va et
vient...

Donc notre Président dans un
souci pédagogique et pour que le
bon peuple n’aille pas confondre
un vrai français d’origine et un
qui ne le serait pas, a voulu organiser
un grand débat sur ce sujet
épineux : « Qu’est-ce que l’identité
nationale ?
 »

Pas de chance à ce moment-là les Français, les
Ali et les Jean tous unis, ne voulaient parler que
des retraites.

Bon ! qu’il s’est dit le Président, puisqu’on ne
me comprend pas je vais être plus clair : le débat
portera sur l’Islam. Là, pas de doute, on allait
tout de suite voir la différence, entre un français
de souche et un sous-français qui en allant prier
à la mosquée montre bien qu’il refuse de s’intégrer.

Mais pas de chance, Ali et Jean ne semblaient
s’intéresser qu’au pouvoir d’achat !

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Vercingétorix.
D.R.

De plus « français de souche » on
ne comprenait pas très bien. Par
exemple : le petit de ma cousine
Bécassine descendante d’Obélix et
qui a épousé Akli (le harki pas d’ici
qui lui fit ce petit), est-il plus ou
moins de souche que cet autre
petit, Popeye, le fils que John
débarqué en 44 avait eu avec
Rosine la blondinette normande
dont les lointains ancêtres étaient
venus ici sur un Drakkar en remontant
la Seine ? ou que Paul, Pierre,
Jacques ou Marie dont l’arrièrearrière-
arrière-arrière-grand-mère
fut déposée bébé à l’entrée d’une
église et dont l’arrière arrière
grand-père était né de père
inconnu. C’est d’autant plus compliqué
à savoir que l’état civil n’a
été mis en place qu’en 1539 et
que pour Paris tout ce qui date
d’avant 1860 a brulé. Alors avec
les fluctuations de frontières, les
colonies, les invasions, le tourisme,
etc., de nos jours il ne
reste plus vraiment que les cigarettes
pour être de vraies Gauloises.

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Les arènes de Nîmes.
D.R.

Aussi de guerre lasse notre Président décida
que le débat porterait sur la laïcité.

Ça c’était une surprise ! Car sur la laïcité et le
respect des croyances de chacun, sans oublier
ceux qui ne croient en rien, tout le monde est
plus ou moins d’accord au moins depuis 1905.

Alors, pour pimenter le débat, notre Président
a sorti sa botte secrète : « La France a des racines
chrétiennes !
 » et pan sur le nez de tous ceux qui
ne sont pas chrétiens !

La laïcité peut-être, mais que ceux dont les
racines plongent trop vers la brousse, le désert
ou les rizières, se le tiennent pour dit, ici on ne
descend pas tous du même arbre !

Certes en France pas le moindre patelin qui
n’ait son clocher, on ne compte plus les villes et
les villages portant le nom d’un saint, et nos
jours fériés doivent beaucoup à la chrétienté.

Mais à la vérité ce n’est qu’en 482 que l’évêque
Rémi proposa à Clovis de placer son royaume
sous la protection du dieu chrétien. Avant cette
date, notre beau pays existait, avait une histoire,
une culture et des racines qui ne devaient rien
au petit Jésus.

Je vous passe Cro-Magnon et son copain
Sapiens du temps où Lucie était là, bien avant
Marie, je vous passe les Gaulois, qui craignaient
que le ciel ne leur tombe sur la tête, ignorant
que le paradis s’y trouvait. Je glisse sur les galloromains
qui nous apportèrent toute la culture de
l’antiquité. Platon, Socrate, Aristote avaient
publié pas mal de choses avant même que la
bible ne fut écrite. Je vous fais grâce des
Visigoth, Austrogoth et autre Burgondes, je
vous épargne l’influence arabe, au moins jusqu’en
732 au sud de Poitiers... Mais il
n’empêche, quand la graine chrétienne fut
plantée, cela faisait déjà quelques millénaires que
la France avait des racines.

Certes les mille deux cent ans qui vont suivre
seront sous le signe de la Chrétienté, et nul ne
regrette le style roman, ni le gothique, ni le
chant grégorien, ni saint Vincent-de-Paul, ni
Monsieur le Curé qui souvent était un brave
homme.

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Un patrimoine inestimable, l’église de Saint-Rémy en Haute-Loire.
D.R.

Mais si Jeanne d’Arc à entendu des voix, le
peuple en entendait aussi, Descartes, Voltaire,
Rousseau, Robespierre, qui ne sont pas pour
rien dans l’imaginaire hexagonal. Lorsqu’en
1789 la fille aînée de l’église épousa un sansculotte
nul n’y trouva à redire.

En France, la croix a toute sa place, mais la
prise de la Bastille et le drapeau rouge de la
Commune ont aussi la leur.

La loi de 1905, la guerre de 14-18, les
avancées de 36 ou la Résistance à l’occupant
Nazi ont contribué à enraciner dans notre
culture des valeurs de paix, de progrès, de
justice et d’égalité qui donnent encore de beaux
fruits.

Et comment
passer sous silence
ce que la
France doit à
ceux qui l’on
servie sans en
être natifs, les
Léonard de Vinci,
Chopin, Manouchian,
Picasso,
Curie, Brel,
etc. et tous
ceux-là qui venus
des colonies
sont morts pour
elle et tous ces
autres encore,
Polonais, Italiens,
Portugais,
Algériens, Vietnamiens, qui par leur travail ont
enrichi ce pays, tous peuvent légitimement revendiquer
leur part dans la fabrication des racines.

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Racines d’arbre.
© PASTOR

Et au moment où le capitalisme prône la
mondialisation et la libre circulation des capitaux,
les pauvres bougres qui n’ont plus de quoi
manger chez eux, parce qu’en premier lieu les
multinationales pillent les richesses de leur pays
et qui viennent ici, où leur semblent-il se
concentre la richesse, pour quémander quelques
miettes, ceux là nous les chasserions parce qu’ils
ne connaissent pas les Paters et les Avé ?

Ne retenir de la France que les seules racines
chrétiennes, c’est avoir une vision bien étriquée
de l’histoire. Mais pour notre Président ce n’est
pas seulement de l’ignorance ; en fait, faisant
cela il ne poursuit qu’un but : attiser la haine et
les divisions pour mieux assurer la domination
des exploiteurs.

Jacques Aubert