Il y a cent ans... ! Le 8 mars... !

Journée internationale des Femmes

Le rappel de ce centième anniversaire est
loin d’être inutile dans la société
d’aujourd’hui où la politique libérale de
Sarkozy-Fillon et consort, fidèles
exécutants de tout ce que le MEDEF génère
de rétrograde, perpétue et aggrave les
discriminations sexistes, sources de
violences et d’inégalités envers les
femmes.

Certes, en 2010, on glorifie la femme à
grands coups de médias, on prévoit des
mesures propres à juguler le scandale
des femmes battues au sein de leur foyer. En
cela on tient le coupable, c’est l’homme ! Depuis
de nombreuses années les organisations féministes
dénoncent ce scandale qui bien souvent
est la conséquence de la misère sociale.
Mais le véritable atavisme de la femme, en tant
qu’être secondaire, se perpétue et n’a jamais
connu un changement fondamental si ce n’est
quelques avancées résultant de luttes de mouvements
féministes internationaux qui depuis 1895,
en ce qui concerne la France, ont reçu le soutien
de la CGT et des partis politiques de gauche.
Il en fut ainsi pour arracher, bien tardivement,
le vote des femmes fort heureusement définitivement
acquis.
Plus récemment, ce fut la loi sur l’IVG qui
permit un grand pas vers une liberté longtemps
contestée et encore combattue par les milieux les
plus réactionnaires et l’obscurantisme religieux.
Mais force est de constater que l’application réelle
de l’IVG connait une fragilité de plus en plus évidente
et seule la vigilance combative des forces de
progrès sera en mesure de maintenir son
application médicale conforme à la loi.
Nous avons maintes fois, dans les colonnes
de cette revue de l’IHS, traité des problèmes
liés aux discriminations qui continuent à
frapper durement les femmes.
Il nous a semblé qu’à l’occasion de ce centième
anniversaire du 8 mars, il serait bon
d’en faire un rapide historique, tout en soulignant,
que le vrai problème reste que dans notre société,
la puissance dominatrice de l’argent méprise toute
notion de liberté, d’égalité et de fraternité.
Autant de valeurs indispensables qui s’effacent
devant les exigences économiques et politiques
des porteurs de dividendes qui nous gouvernent,
au détriment des besoins réels de l’humanité très
intimement liés à l’émancipation des femmes.
L’origine de ce fléau rendu insurmontable
remonte à ce qu’en pensaient les dignitaires de
l’Église qui le définissaient ainsi : « La femme est
par nature une malédiction originelle
 ».
Selon la Bible de Jérusalem (VIe siècle av. J.C.) :
« Dieu fit tomber l’homme dans un profond sommeil.
Il prit l’une de ses côtes et referma la chair à sa place.
Puis de la côte qu’il avait tirée de l’homme il façonna
une femme et l’amena à l’homme. Alors celui-ci s’écria :

“C’est l’os de mes os, la chair de ma chair, elle sera
appelée la femme”. » Elle fut tirée de l’homme.

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Anne Hutchinson
D.R.


Les théories de l’Église ne varièrent jamais et à
maintes reprises les théologiens, confirmèrent une
orientation qui n’aillait pas sans créer quelques
remous face aux réalités de la vie et à la prise de
conscience de certaines femmes qui n’hésitaient
pas à braver l’insupportable théorie sexiste.

Saint-Thomas d’Aquin,
théologien et philosophe
(1227-1274) faisait autorité
quant aux affirmations de l’Église
catholique. Il fut canonisé
en 1323.
« La femme est un être occasionnel
et accidentel.
 »
Même après plusieurs siècles
d’évidences, ces gens-là ne s’étaient
pas aperçus que les
femmes faisaient les enfants.


En 1650, un tribunal calviniste, inspiré déclarat-
il par Dieu, condamna à la prise et à l’exil une
femme, Anne Hutchinson, qui exprimait des
sentiments contraires aux lois en vigueur asservissant
les femmes : « Vous avez été un mari plutôt
qu’une épouse, une prédicatrice plutôt qu’une auditrice,
un magistrat plutôt qu’une administrée et vous n’aviez
jamais été humiliée pour avoir agi ainsi
 ».

LOUISE LABÉ (1525-1565)

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Louise Labé
D.R.

Les propos qui pour ces hommes vertueux
méritaient humiliation et punition étaient pourtant
plus que modérés comme ceux de Louise
Labé, poétesse française :
« Je ne puis faire autre chose que de prier les vertueuses
dames d’élever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles
et fuseaux et s’employer à faire entendre au
monde que nous ne devons être dédaignées pour compagnes
tant dans les affaires domestiques et publiques de
ceux qui gouvernent et se font obéir
 ».
Il se trouva malgré tout quelques voix masculines
qui n’hésitèrent pas à être discordantes. Le
prêtre Poulain de la Barre dans L’égalité des 2 sexes
en 1673
écrivait « La subordination des femmes n’est pas
fondée, l’influence de l’éducation est déterminante
 ».
Mais il est vrai qu’en matière d’éducation on
voyait courir des proverbes dits de « bon sens
populaire ».
« Bon cheval, mauvais cheval veut l’éperon. Bonne
femme, mauvaise femme veut le bâton
 ». (proverbe
français).
« Un chien est plus intelligent qu’une femme, il
n’aboie pas contre son maître
 ». (proverbe russe).
« La femme est la créature la plus subtile du monde
animal
 » (proverbe japonais).
Toute l’histoire de l’humanité
témoigne de personnalités qui
tentèrent d’avoir un rôle positif
dans un monde voué à l’obscurantisme
et chacune des prises
de position allant dans le sens
de transformation était un pas
utile à une marche vers une
société plus ouverte, plus libre
et surtout plus civilisée.
On vit donc s’amplifier, au fil
des temps, une véritable
répression contre toute idée de
libération de la femme.
Même le grand poète Stendhal se faisait peu
d’illusions sur l’intelligence de ses contemporains
lorsqu’il écrivait en 1805 :
« L’admission des femmes à l’égalité parfaite sera la
marque la plus sûre de la civilisation », il ajoutait : « Je
serai lu en 1880 et je ne serai compris qu’en 1935
 ».
On voit 75 ans plus tard qu’il faisait preuve
d’optimisme !
Il faut dire que le Code Napoléon de la même
époque proclamait : « La femme appartient à
l’homme comme la pomme au pommier », « Les personnes
privées des droits juridiques sont les mineurs, les
femmes mariées et les débiles mentaux. »
Le Moniteur universel du 29 Brumaire de l’An II
plantait le décor de cette société : « La femme ne
peut être qu’épouse ou mère, sinon elle est un monstre
 ».
C’est sans doute parce qu’elle était un monstre
que le sort réservé à Olympe de Gouges fut
d’être guillotinée le 13 brumaire, avec comme
chef d’accusation : « Elle voulait être homme d’État
et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir
oublié les vertus qui conviennent à son sexe
 ».
En effet, comment lui pardonner
d’avoir à ce point
conspiré ! Elle avait
rédigé une Déclaration
des droits égaux
à ceux des hommes
.
Évidemment pour
ceux qui asservissaient
à leur profit
50 % du genre humain,
une telle revendication
était bien
une monstruosité.

FLORA TRISTAN (1803-1844)

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Flora Tristan
D.R.

Ne pouvant citer l’ensemble des femmes courageuses
qui, dans le monde entier, bravèrent les
interdits pour arracher la légitime reconnaissance
des femmes qui pourtant donnaient la vie,
il faut rappeler une belle voix courageuse, celle
de Flora Tristan, grand-mère du peintre
Gauguin, qui fut à l’origine du mouvement
féministe en France :
« Je réclame des droits pour la femme :
– Parce que je suis convaincue que tous les malheurs au
monde proviennent de cet oubli et mépris qui n’a fait jusqu’ici
des droits naturels et imprescriptibles de l’être femme ;
– Parce que c’est l’unique moyen qu’on s’occupe de son
éducation dont dépend celle de l’homme en général et particulièrement
celle de l’homme du peuple ;
– Parce que c’est le seul moyen d’obtenir sa réhabilitation
devant l’Église, devant la loi, devant la société et
qu’il faut cette réhabilitation préalable pour que les
ouvriers soient eux-mêmes réhabilités.
 »
En lisant cela, sans doute sera-t-on surpris que
des intellectuels honorablement connus et
appréciés pour leurs œuvres aient pu exprimer
des idées qu’il n’est pas exagéré de taxer de
lamentables bêtises, comme dans le
Dictionnaire de 1850 de Flaubert :
« Femme : personne du sexe, venue des côtes d’Adam.
Ne dites pas “ma femme” mais “mon épouse” et mieux
encore
“ma moitié” ».
Pourtant quelques années avant, il avait eu le
loisir de lire l’œuvre de Balzac qui trace un
tableau critique du comportement fondamentalement
injuste de la société bourgeoise envers
les femmes.
Mais sans doute le mot « intellectuel » ne s’applique
pas uniformément à tout le monde
puisque le grand personnage que fut Nietzsche
écrivait en 1887 : « Le bonheur de l’homme est “JE
VEUX” le bonheur de la femme est “IL VEUT”.
Elles sont une propriété, un bien qu’il faut mettre sous
clé, des êtres faits pour la domesticité et qui n’atteignent
leur perfection que dans la situation subalterne.
 »
Mais fort heureusement elles trouvèrent avec
courage la force de refuser leur sort, éclairées
sans doute par des écrivains courageux comme
Zola (1840-1902) qui a ciblé le sort peu enviable
qu’elles subissaient dans les milieux ouvriers où
elles étaient de plus en plus nombreuses. La
lecture de l’Assommoir ou de Germinal dénonce
les conditions inhumaines de travail et de vie qui
leur étaient imposées.
Il en fallait d’ailleurs du courage car les plus
convaincues y laissèrent leur vie.

LOUISE MICHEL, INSTITUTRICE (1830-1905)

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Louise Michel
D.R.

Révoltée par la misère des femmes et des
enfants d’ouvriers, elle apporte son concours
actif à la Commune de Paris (1871). Elle s’inspira des idées de la Révolution de 1789 pour
exiger l’ouverture d’écoles où l’on apprendrait
aux enfants du peuple les sciences et la littérature.
Elle était surnommée « la vierge rouge ».
Le 21 mai 1871, les barricades dressées par le
peuple de Paris et souvent défendues par les
femmes et les enfants, furent écrasées par les armes
et les tués se comptèrent au nombre de 100 000,
dont on ne sut jamais combien était des femmes.
Louise Michel et plusieurs de ses camarades
de luttes furent capturées. Elles furent jugées
pour « désertion de leur sainte mission de gardiennes du
foyer
 ». Condamnée à mourir dans l’exil, Louise
Michel fut déportée en Nouvelle-Calédonie.
Elle mourra en 1905 et cent mille personnes
suivirent son cercueil de la gare de Lyon à
Levallois.

LES ÉTATS-UNIS ET CLARA ZETKIN (1875-1920)

Des victimes, il y en eut en France et dans le
Monde. Les avancées les plus significatives
prirent corps aux États-Unis où les femmes de
l’industrie de l’habillement organisèrent plusieurs
mouvements de révolte.
En 1825, on comptait 180 000 ouvrières, dont
la moitié travaillait durement dans les filatures.
Elles s’organisèrent en syndicats et une première
grève fut déclenchée en 1825, où les femmes-tailleurs
de New-York exigeaient une augmentation
des salaires.
Les jeunes filles ouvrières vivaient dans les
usines en dortoirs, avec interdiction de sortir et
alimentées selon le régime prison. Elles se mirent
en grève une première fois en 1834 suite à une
baisse de leurs salaires. Cette grève écrasée par la
répression, loin de désarmer, elles créèrent une
Association des ouvrières qui fit une grève importante
en 1836 en manifestant dans les rues.
Entre 1835 et 1836 on compte plus de 140
grèves dans l’est des États-Unis.
En 1850, elles étaient plus de 500 000 domestiques
ou institutrices. Les syndicats commençaient
à s’organiser malgré les tribunaux qui
qualifiaient leur mouvement de « conspiration
anti-commercial
 » et les grèves en « conspiration
avec passage à l’acte
 ».
La grève dans l’industrie de l’habillement de
1857 à New-York comportait un nombre très
important de femmes et la répression n’en fut
que plus sauvage.
Cela ne fit qu’intensifier le mouvement et des
défilés énormes se multiplièrent devant la
bourse de Wall Street.
En 1864, les femmes avaient fondé de nombreux
syndicats : cigarières, brodeuses, chapelières,
blanchisseuses, imprimeuses. Elles réussirent
à se faire admettre dans 2 syndicats (cigariers
et typographes) alors que les femmes en
étaient exclues.
En 1869, ce furent les blanchisseuses qui,
pour un salaire misérable, fournissaient un
travail éreintant qui lancèrent une grève très largement
suivie.

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Clara Zetkin
D.R.


Lorsque la crise éclata en 1870, les grèves se
multiplièrent avec une importante participation
des femmes et la répression se fit de plus en
plus féroce. Il y avait en 1874, 90 000 travailleurs
en prison pour fait de grève dont plus
de la moitié étaient des femmes.
En 1886, les mouvements pour la journée de
8 h prirent de l’ampleur. Les conditions de
travail dans les 500 ateliers de confection de
New-York n’avaient rien à envier aux traitements
primitifs instaurés pour le bagne. On y
travaillait 80 heures par semaine, dimanche
compris. Le 3 mai 1886 la police tira sur les grévistes
faisant de nombreuses victimes. Ces événements
furent à l’origine du choix du 1er mai
comme journée internationale des travailleurs.

C’est le 27 juin 1905 à Chicago que les différentes
composantes du mouvement ouvrier
formèrent l’I.W.N (International Workers of the
World). Ils appelaient les travailleurs du monde à
se constituer en classe sociale. En 1904, 3 % de
femmes y participaient, elles seront 15 % en 1913.
En 1909, le 27 février se tint la journée des
femmes dans toutes les villes des É.-U.. La résolution
adoptée fut transmise à la 2e Conférence internationale
des femmes socialistes qui se réunit à
Copenhague les 26 et 27 août 1910. Sur proposition
de Clara Zetkin, elle fut adoptée. La Journée internationale
des femmes venait de naître.

LA JOURNÉE DES FEMMES

Depuis, tous les ans, le mouvement ouvrier
consacre 1 jour par an pour confirmer le
contenu de son action concernant les femmes.
Elle fut introduite en Europe
en 1913 par le mouvement qui se
développait en Russie où le pourcentage
des femmes au travail
était de 26 % pour atteindre
43 % en 1917.
En 1921, le gouvernement
russe sur proposition de Lénine
fixa au 8 mars la journée internationale
des femmes. La première
manifestation eut lieu le 8 mars
1921 à Petrograd.
En 1977, l’ONU adopta officiellement
cette date pour la célébration
d’une journée pour les
femmes. Il fallut attendre 1982 pour que le gouvernement
de gauche de Pierre Mauroy donne
un statut officiel à cette journée en France.
C’est la reconnaissance d’une question devenue
majeure dans la société. Mais le fait de reconnaître
les discriminations subies par les femmes ne règle
pas pour autant les moyens à mettre en oeuvre
pour les faire disparaître. Une journée d’hommages
médiatisés ne fait pas avancer le contenu
transformateur des luttes, surtout quant on sait
que la politique actuelle va dans le sens de l’aggravation
des conditions sociales.
La preuve en est faite en cette année 2010.
Alors que les salaires féminins restent inférieurs
de 25 à 27 %, la précarité, les licenciements
frappent en premier lieu les femmes, on situe le
8 mars comme devant stigmatiser en premier
lieu l’insécurité au sein du foyer.
De plus, les femmes constituent l’immense
majorité des 800 000 personnes âgées percevant
en France pour seule ressource la pension
vieillesse inférieure à 600 euros mensuels ce qui
les met en dessous du seuil de pauvreté. La situation
n’est guère plus acceptable en ce qui
concerne les femmes retraitées. Les dernières
décisions les concernant ont fixé à 0,9 % l’augmentation
des retraites (soit 2 pains de plus par
mois). Cette mesure scandaleuse face au refus de
supprimer le bouclier fiscal va certainement
mobiliser les énergies pour confirmer le camouflet
infligé à Sarkozy par les urnes lors
des élections régionales..

La CGT pour sa part, poursuit son combat de
toujours : l’émancipation des femmes, leur
pleine égalité dans le montant des salaires, les
déroulements de carrière, comme dans tous les
domaines de la vie. L’action syndicale
en est une composante.

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Maryse Dumas
CC by-nc-nd - Alain Bachellier


Le 8 mars 2010, par la voix de
Maryse Dumas, la CGT précise
quel contenu donner à cette
journée, qui doit être un véritable
programme et non pas les
voeux pieux d’un seul jour.
« Le féminisme n’est pas une affaire
de femmes. Pour transformer la société,
il faut changer radicalement les rapports
sociaux de classe et aussi les rapports
sociaux de sexe qui les caractérisent

 ».
Depuis plus d’un siècle, des
positions justes s’affirment pour faire changer
les choses, mais elles ne sont jamais le fait de
ceux qui détiennent les pouvoirs de décision,
c’est-à-dire patrons et gouvernants.
Depuis plusieurs années, les gouvernements se
donnent bonne conscience en votant des lois instituant
le principe « à travail égal, salaire égal »,
mais comme parallèlement les décrets d’application
ne voient jamais le jour... rien ne change.
Et pourtant, la moitié de l’humanité ne sera en
mesure de se réaliser, d’être réellement humaine,
que le jour où elle considérera l’autre moitié
comme égale à elle-même.

Nous n’en sommes pas là !

Denise Foucard