Cher M. Jean Ferrat

« Mon frère, mon ami, mon fils, mon camarade, »
« Ils étaient des milliers, il étaient vingt et cent, »
« M’en voudrez vous beaucoup si je vous dit un monde
où l’on n’ est pas toujours du coté du plus fort »
« Pourtant que la montagne est belle »
et
« Que c’est beau, c’est beau, la vie »

Cher Monsieur Jean Ferrat,

Quant la radio m’a appris la nouvelle de votre
départ, je me suis mis à chanter.
Potemkine,
Nuit et brouillard,
La montagne.

Ces musiques, ces paroles ont accompagné ma
vie, je les connais par coeur.
Ma mère les chante et mes enfants aussi.
Mille fois j’ai pris ma guitare et mille fois j’ai
dit : « [...] celle... des enfants de cinq ans travaillant
dans les mines, celle qui construisit de ses mains vos
usines, celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille,
ma France
 ». Oui je suis de ce pays-là.
Jamais je n’ai pu chanter Nuit et brouillard sans
penser à mon père.
Ni chanter La montagne, sans qu’un certain
village de mon enfance ne me revienne en
mémoire.
L’escalier d’Odessa est présent dans chaque
Potemkine, j’y vois toujours la nécessité de
changer le monde.
Il est des moments où le grand art devient
populaire et touche à l’universel.
La barbarie, l’injustice, l’espoir d’un monde
meilleur, la nature dans ce qu’elle a de plus beau
et ce cri d’espoir dans la vie.
Vous avez su porter la chanson au niveau du
siècle et de son histoire.
Une fois j’avais eu la chance de vous rencontrer,
je vous avais sollicité pour chanter pour le
Secours Populaire, bien-sûr gratuitement, alors
vous m’aviez expliqué que si vous Jean Ferrat
qui étiez déjà une grande vedette, vous chantiez
gratuitement, alors les jeunes, les moins connus
tous ceux qui essayaient de vivre de ce métier de
chanteur, plus personne ne voudrait les embaucher
et les rémunérer correctement. Alors on
avait attendu pour avoir les fonds et vous étiez
venu. Plus tard je ne trahis pas un secret en
disant que vous aviez fait un don au Secours
populaire.
Le poète à toujours raison !
De nombreux articles dans la presse rappellent
votre père mort à Auschwitz, vos chansons
souvent interdites de radio, votre engagement
dans toutes les luttes de progrès, moi je vais
m’arrêter là, ... j’ai trop envie de chanter !

Merci Monsieur Jean Ferrat.

Jacques Aubert