L’Histoire, parlons-en !

L’Institut d’Histoire Sociale du Val-de-Marne, dans toute son action, dans ses interventions
et ses écrits, s’applique depuis plus de 20 ans
à donner à l’histoire du mouvement ouvrier toute la place que lui confère le riche patrimoine collectif de la CGT.

De même, il situe l’histoire comme un apport précieux aux luttes du présent, tant il est édifiant de voir ce que peut apporter au monde du travail l’analyse des luttes et les enseignements positifs ou négatifs qu’elle permet de dégager.
Peut-être pouvait-il sembler à nos lecteurs que traiter de l’histoire restait un peu en marge des préoccupations du terrain, surtout lorsque s’abat sur le peuple français un amoncellement de mesures anti-sociales, anti-démocratiques, anti-culturelles et donc particulièrement destructrices de valeurs humaines.

L’Histoire c’est bien mais c’était hier ! Les problèmes à affronter c’est aujourd’hui !

Eh bien, ce qui apparaît nettement dans le contexte politique actuel, c’est que lorsqu’on ne peut plus parler de ce que sera l’avenir de la France, il paraît plus confortable à ceux qui sévissent au gouvernement de s’appuyer en permanence sur une histoire qu’ils aménagent à leur manière et qu’ils falsifient grossièrement pour étayer un présent de plus en plus privé de perspectives.

Que Sarkozy et ses valets UMP, ou transfuges du PS, s’apitoient sur Jaurès, Guy Môquet, la Résistance, tout en passant sous silence les idées et les combats dont ils furent porteurs, c’est détourner tout simplement la mémoire nationale et en dessaisir les jeunes générations et c’est aussi masquer une évidence, celle de la société de plus en plus visible du capitalisme financier.
La France glisse vers une déchéance accentuée par une série de scandales politico-financiers qui entachent gravement les hommes du pouvoir.
Et ce n’est certainement pas la croisade pour l’identité nationale aux forts relents de pétainisme qui allégera le saccage des valeurs de la République française dans les domaines essentiels de la démocratie, des droits de l’homme, de la laïcité, de la justice sociale, du droit au travail, au logement, à la santé, à l’enseignement, à la culture.

Il est intéressant par contre de voir que les milieux culturels, conscients des attaques graves portées à la culture par la prédominance de l’argent, rivalisent de festivals, fictions, écrits, expositions, reconstitutions, portant sur des rappels de l’histoire, où souvent la vérité historique se montre sous ses véritables couleurs et ses conséquences réelles. Ces expressions rencontrent un accueil très favorable si l’on en juge par l’engouement qu’elles suscitent.
Il n’est donc pas superflu de mettre au grand jour les mensonges et détournements historiques de l’équipe gouvernementale et patronale, afin de mobiliser les énergies de toutes les victimes de leur politique dévastatrice en France comme en Europe.

La grande voix pacifique de Jaurès dénonçait les tares du capitalisme et la montée du fascisme « la plus sinistre des pages de notre histoire ». Serait-il moins ardent aujourd’hui face à la politique guerrière de Sarkozy-Merkel-Berlusconi-Kouchner et autres européens entretenant une poudrière dangereuse en Afghanistan et en Irak, poursuivant en cela la politique néfaste de Bush, mondialement condamnée ?

Il est devenu urgent de mettre à l’ordre du jour des peuples, le rassemblement de toutes les forces de progrès pour faire échec à une politique de sauvetage à tout prix du capitalisme qui s’avère destructeur pour la société et dangereux pour la paix du monde.

Plusieurs Mémo-Luttes ont traité des actions menées contre la détérioration permanente des conditions de travail et de vie, de la surexploitation, de l’accentuation des cadences liés aux licenciements, de la politique des bas salaires et des profits maximums, des scandales des délocalisations, etc.
Le XVIe congrès de l’UD CGT du Val-de-Marne avait intégré à ces travaux un débat sur le film traitant des conséquences humaines de la liquidation de l’usine Celatex. Il y était souligné une notion trop souvent ignorée, sur le sort réservé à toutes les victimes de licenciements massifs : des vies brisées, des familles disloquées, des états de santé définitivement compromis, allant de dépressions à suicides.

Et voilà qu’aujourd’hui on semble découvrir que les suicides de France Télécom sont un fait nouveau ? La CGT a toujours dénoncé le vrai problème qui porte un nom, c’est la violence de classe.
Les solutions de façade ne régleront rien, c’est la course effrénée aux profits, le non-respect des droits des salariés qui sont en cause et que l’on doit juger comme des assassinats dont on connaît les coupables.
Un tel état de fait est-il inévitable ? Non ! Il existe une solution qui a déjà fait ses preuves dans le cours de l’histoire, c’est le changement du rapport des forces.

Le sursaut indispensable

C’est dans l’analyse de notre histoire que nous trouvons les éléments des nécessités d’aujourd’hui.

Mémo-Luttes écrivait en 1994 (article DF) « L’histoire nous dit que même dans les conditions terribles de l’occupation, les nazis d’Hitler et les fascistes de Pétain n’ont pas pu avoir raison de l’action syndicale. La détermination des ouvriers, la grève pour les revendications et contre l’occupant ont été l’un des plus sûrs garant de la mobilisation participative en redonnant la conscience de sa force au peuple opprimé »

65 ans après, c’est Bernard Thibault qui redonne tout son sens à l’urgente nécessité de la mobilisation syndicale pour peser fortement sur une situation politique aux conséquences insupportables : « La bataille syndicale ne peut pas attendre 2012. Quand on parle d’alternatives, c’est comment changer tout de suite les décisions, dans l’entreprise. »

Alors l’omni-président, au lieu de galvauder Jaurès en espérant le maquillage salvateur d’une politique désastreuse pour la France, ferait mieux de s’informer sur le sens profond de l’action de Jaurès : « Ce qui importe avant tout, disait-il, c’est la continuité de l’action, le perpétuel éveil de la pensée, de la conscience ouvrière. Là est la vraie sauvegarde, là est la vraie garantie de l’avenir.  »

L’un des grands bouleversements de l’histoire sociale que fut 1968, serait-il dû aux hasards de l’histoire ?
Un communiqué de l’UD CGT du Val-de-Marne du 17 mai 1967 apporte un réel éclairage à cette interrogation :

« La CGT dénonce le 6e plan gouvernemental :
1. Poursuite et intensification de la concentration capitaliste (1603 fusions-absorptions d’entreprises pour les 4 premiers mois).
2. Introduction des capitaux privés dans les entreprises nationales, les administrations et les services publics.
3. Cadeaux de plus en plus somptueux aux trusts et monopoles sous forme de subventions, dégrèvements fiscaux, tarifs privilégiés en matière de transport et d’énergie.
4. Licenciements massifs, déclassements, pertes d’emplois.
5. Ordonnances gouvernementales portant atteinte à la sécurité et à la santé publique, baisse du taux de remboursement.
Appel au renforcement indispensable de l’action syndicale unie.
 »
C’était il y a 43 ans !

Sarkozy a-t-il inventé quelque chose ? Non, il multiplie le tout, aidé par la politique ultra libérale de l’Europe.
Il est temps de lui rappeler l’histoire. Un an après cette déclaration de l’UD c’était mai 68 et ils ont dû reculer !

Alors aujourd’hui, forts de l’expérience, ne les laissons pas agir impunément..
Mobilisons les forces syndicales, Bernard Thibault a raison, n’attendons pas 2012.

Denise Foucard