Anniversaire

Le ministère de la culture

Le ministère de la Culture fête ses 50 ans, mais cela ne veut pas dire que la culture soit à la fête.

Hier

En 1959 le général de Gaulle offrait à André Malraux le ministère de la Culture.
De fait de Gaulle avait besoin d’une caution intellectuelle dans son entreprise de pouvoir personnel, alors il fit appel à Malraux. Celui-ci voulait être ministre de l’Éducation nationale, mais il semble que Michel Debré, conscient du côté fantasque du personnage, proposa au Général de lui confier un ministère moins lourd de conséquences. C’est ainsi qu’apparut le ministère de la Culture auquel on rattacha un certain nombre de directions comme celle des Arts et Lettres, de l’Architecture et des Archives qui venaient de l’Éducation nationale, ou le Centre national de la cinématographie, précédemment à l’industrie.
Le décret du 24 juillet 1959 créant le ministère de la Culture lui donnait la « mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français. »
Cette politique trouvera sa réalisation dans la création des Maisons de la Culture qui ouvriront dans plusieurs villes de province.
Un autre trait de cette politique se caractérisera par le refus des dispositifs pédagogiques. Pour Malraux, c’est du choc issu de la confrontation directe avec les œuvres que doit naître la conscience du beau. C’est cette volonté qui sera à l’origine du rattachement de la direction de l’Éducation Populaire au ministère de la Jeunesse et des Sports plutôt qu’à celui de la culture.
Il est à noter que même sans avoir de ministère, l’État depuis déjà longtemps intervenait dans les politiques culturelles. L’ancien régime connaissait le mécénat royal, François 1er avait créé le dépôt légal et Louis XIV, la manufacture des Gobelins, la Comédie Française et les Académies.
Avec la Révolution apparaîtra le souci du patrimoine et des archives, des musées dont le Louvre seront créés. La Troisième République crée la direction des Beaux-Arts au sein du ministère de l’Instruction publique. La Quatrième République sera à l’origine de la décentralisation théâtrale, avec notamment le Théâtre National Populaire et le Festival d’Avignon.
En 1959, si l’intention est louable et le ministre pour le moins représentatif, les budgets ne suivront pas toujours les intentions et il faudra attendre 1981 et Jack Lang pour qu’enfin le budget de la culture soit porté à 1 % du budget de l’État.

AUujourd’hui

Si ce ministère a connu ses heures de gloire, force est de constater qu’en ce 50e anniversaire l’institution ne se porte pas bien. Nous assistons même à un étouffement voulu par l’actuel gouvernement. Peu à peu ce ministère se transforme en une coquille vide, seulement préoccupée de gestion et d’économies. Les budgets ne cessent de baisser, l’audiovisuel est abandonné au privé, l’éducation artistique n’existe plus, les subventions aux créateurs fondent comme neige au soleil.
Il faut dire que la fameuse RGPP (révision générale des politiques publiques), qui consiste à appliquer aux politiques publiques les règles de gestions des entreprises privées, est passée par là.
Mais si l’on veut bien y réfléchir un peu, il apparaît vite que même en grattant les fonds de tiroirs, ce n’est pas sur un ministère avec un budget si mince, 0,78 % du budget de l’État, que l’on peut espérer faire beaucoup d’économie. À l’évidence les justifications sont ailleurs et ce qui est en cause dans le domaine culturel comme ailleurs c’est la remise en cause des principes mêmes du service public, l’abandon des principes républicains de continuité du territoire et d’égalité des citoyens.
Comme pour l’énergie, comme pour la poste, l’État n’a d’autres objectifs que de livrer la culture aux intérêts capitalistes.
Il y a là une double volonté, économique d’abord, en permettant au marché de faire de l’argent avec des produits grand public, politique en suite, par une baisse généralisée du niveau culturel de la population, c’est bien connu on gouverne mieux les peuples incultes.

Demain

Si le constat est alarmant, le découragement n’est pas de mise. Certes le combat pour la culture a cette particularité qu’il faut lutter pour accéder à ce que l’on ne connaît pas, ce qui complique singulièrement la prise de conscience des enjeux. D’où l’énorme responsabilité dans ce combat des lieux où s’élabore une action culturelle alternative, dans les villes, les départements, ou bien dans le monde syndical les CE, où tout recul sur l’engagement culturel, au nom du réalisme ou des économies nécessaires est un cadeau fait au patronat.