Éditorial

En démocratie, il ne s’agit pas seulement de voter il faut aussi pousser

Il faut se rendre à l’évidence, en mai-juin de l’année dernière il n’est pas impossible qu’on ait élu des timides à la tête de l’État.

Certes on aurait tout accepté pourvu qu’on se débarrasse des réactionnaires agités qui occupaient la place, mais de là à se retrouver avec des émotifs que l’ampleur de la tâche tétanisent, il y a un pas qu’on n’est pas prêts à franchir.
C’est bien simple : quand ils bougent, ce n’est pas eux qui remuent mais c’est que d’autres les bousculent.
Il a suffit que Mme Merkel les secoue un peu pour qu’ils finissent par signer le pacte de croissance, qu’ils condamnaient pourtant la veille.
Mme Parisot hausse le ton et aussitôt ils acceptent une aide de 20 milliards pour les patrons alors qu’on nous assurait que les caisses étaient vides.
Mittal, Peugeot, et d’autres patrons ou actionnaires, tous en bloc, comme à la mêlée, leur rentrent dedans à coup de plans sociaux et immédiatement ils reculent.
Ils sont tellement chahutés qu’ils ne savent plus où donner de la tête ; celui en charge de l’Éducation finit par se mettre tout le monde à dos, ils oublient leurs promesses, augmentent la TVA, baissent le budget de la culture, celui de la santé, menacent de s’attaquer aux retraites et pour finir, conscients qu’ils n’arrivent pas à faire de bonnes lois, ils en confient la rédaction au Medef, qui grâce à quelques petits syndicats dont même les adhérents rougissent, leur pond un texte dont la droite avait rêvé mais qu’elle n’avait pas osé faire.
Eux ne trouvent qu’une excuse, c’est la croissance qui ne vient pas ! Du haut de l’Élysée le président scrute l’horizon et les ministres en bas :
— « Président, mon président, vois-tu la croissance venir ? »
— « Non, je ne vois que l’Europe qui verdoie et le patronat qui foudroie ».
Il faudrait augmenter les salaires pour relancer la consommation, mais déjà Parisot, s’étrangle, alors on s’en prend à la paye des fonctionnaires, pour montrer l’exemple.
En fait les politiques, c’est comme les lasagnes, il ne faut pas se fier à ce qui est écrit sur l’étiquette, il n’y a qu’avec l’apparition des premières mesures qu’on est renseigné sur le produit et là, soyons francs, on a du mal à reconnaître le goût de « gauche ».
Cela dit on aurait tort de se moquer car ce sont de braves gens, preuve quand les patrons ont le dos tourné, ils sont capables de voter l’amnistie, et c’est sûr que si on ne se méfie pas on pourrait avoir pire que ces politiciens-là, mais à l’évidence si on veut qu’ils soient réellement de gauche, il va falloir les aider.
Car si les patrons arrivent à les bousculer, il ne fait pas de doute que nous les salariés qui sommes les plus nombreux, si on s’y met on va pouvoir les ramener dans le droit chemin.
Je lisais dans l’éditorial du journal pas vraiment de gauche, La Tribune du 1er mars, cette phrase :
« Le seul maître devant lequel l’argent peut se coucher, c’est quand même le peuple souverain ».
Comme quoi en démocratie il ne s’agit pas seulement de voter, il faut aussi pousser.

Jacques Aubert